Si une bon nombre des recommandations de la Commission Bouchard- Taylor visent à faciliter l’intégration, elles semblent uniquement imputer à la société d’accueil la responsabilité de cette lourde tâche. Au lieu d’offrir des solutions innovatrices qui engagent tous les citoyens, le rapport mise presque exclusivement sur les Québécois francophones pour assurer la réussite du processus et ce, d’une façon coûteuse, bureaucratique et inefficace.
Le rapport souligne légitimement que « les minorités [...] sont fragiles et inquiètes face à l’avenir... » Il peut en effet être déchirant de quitter son pays, surtout pour s’établir dans un pays de culture et de traditions très différentes. Ainsi, chaque société d’accueil doit faire tout en son pouvoir pour aider les immigrants à s’adapter à leur nouvelle patrie.
Mais, à la lumière des réalités actuelles, les recommandations de la Commission sont presque risibles. Elle souhaite que le gouvernement dépense des fonds publics afin de créer des tribunes ethniques dans les médias, qu’il soutienne les activités d’organismes vouées à promouvoir la tolérance, et crée un « Office d’harmonisation interculturelle » ainsi qu’un portail interactif. On n’a donc qu’une réponse : vive la bureaucratie!
Ces propos simplistes sous-estiment notamment les pré- occupations de la majorité en laissant entendre que le mécontentement des Québécois face aux demandes des minorités religieuses s’explique simplement par une information partielle et par de fausses perceptions. Sur la question des accommodements culturels, par exemple, un sondage Environics réalisé l’an dernier mettait en évidence un écart significatif entre l’attitude des citoyens nés au pays et celle des musulmans canadiens. C’est ainsi que 49 pour cent de la population générale estimait que les nouveaux immigrants doivent s’intégrer à l’ensemble du pays, contre 15 pour cent des musulmans interrogés.
Il ne s’agit pas ici d’affirmer que les Québécois doivent imposer arbitrairement leur point de vue sans tenir compte des demandes des minorités. Mais il serait tout aussi imprudent de faire l’impasse les différences d’attitude face à l’intégration et d’espérer atténuer les problèmes qui s’ensuivent en apprenant simplement à mieux se connaître. Quand il s’agit de différences de nature fondamentale, d’autres solutions permettraient de promouvoir plus efficacement l’harmonie entre cultures variées.
C’est ainsi qu’au lieu d’offrir plus d’informations aux Québécois sur les immigrants, les gouvernements canadien et québécois gagneraient à mieux informer les immigrants potentiels des valeurs et pratiques du pays qui les attend. Cette approche a déjà été adoptée ailleurs, aux Pays-Bas par exemple, où l’on montre des films illustrant les valeurs de la société néerlandaise aux immigrants potentiels avant qu’ils fassent une demande de citoyenneté. Des films qui transmettent un message clair : mieux vaut ne pas devenir citoyen des Pays-Bas si vous n’appréciez pas nos valeurs. Le Canada gagnerait même à aller plus loin en donnant l’heure juste sur la réalité du pays avant de délivrer des visas à ceux qui songent à s’établir ici.
Malheureusement, la politique de multiculturalisme lancée par le gouvernement fédéral dans les années 1970 a fait croire à beaucoup de nouveaux arrivants que le Canada accepte toutes les traditions, croyances et pratiques de leurs pays d’origine. C’est ainsi qu’à Vancouver, un chauffeur de taxi a récemment refusé pour raisons religieuses de faire monter un aveugle accompagné de son chien-guide. Et lorsqu’un tribunal des droits de la personne a établi qu’il avait agi de façon discriminatoire, le chauffeur a rétorqué qu’il était lui-même victime de discrimination puisqu’un juge de la citoyenneté lui avait affirmé 15 ans plus tôt qu’il pouvait librement pratiquer sa religion et ses coutumes au Canada.
Au lieu de destiner essentiellement ses recommandations aux Québécois francophones en les invitant à améliorer leur attitude et à mieux accepter les nouveaux arrivants tels qu’ils sont, la commission Bouchard-Taylor aurait mieux fait de comprendre que le phénomène de l’immigration est à double sens.
Si les nouveaux immigrants veulent s’engager sur la voie d’une intégration réussie, ils doivent connaître les règles de la circulation avant de mettre leur voiture en marche.
Plutôt que de nier les valeurs et traditions sur lesquelles repose la société québécoise, les gouvernements devraient les promouvoir de façon dynamique et positive afin qu’elles soient clairement comprises aussi bien des Québécois que des nouveaux arrivants.
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