David Solway, Le bon prof : essais sur l'éducation, Montréal, éditions Bellarmin, 2008, 280 p.
Le Québécois David Solway, écrivain anglophone et poète reconnu qui s’est notamment mérité en 2004 le Prix littéraire de la ville de Montréal, est l’auteur de l’essai sur l’éducation Le bon prof. Dans ce livre, on entre en conflit frontal avec la « nouvelle vérité ». En effet, en plein « renouveau pédagogique », voici un ouvrage qui décape, littéralement, et nous sort de ces tristes zones embourbées jusqu’au cou par le prêt-à-penser de la pensée unique. Le bon prof est un essai franc, porteur du goût du risque. Le ton y est rapidement donné : « La plupart des profs qui ont exercé une influence déterminante sur mon développement et dont j’ai gardé le souvenir, n’auraient sans doute pas décroché le bac dans une faculté d’éducation ».
Au fond, le débat sur le malaise en éducation, Solway en parle en allant plus loin que d’établir un simple constat de sempiternelle défaite. Il parle du plaisir d’enseigner, d’instruire, et d’éduquer. Il parle des professeurs qui ont marqué sa vie, des élèves aussi, forcément. Cependant, on devine qu’il revient de loin. L’auteur a connu le désespoir, l’enfer dont notre littérature est pavée. Il a connu une vie ingrate dans l’enseignement. Il a connu aussi un bon prof, qui, de toute évidence, l’a sauvé de ce triste théâtre d’observation d’un univers marqué par les jugements à l'emporte-pièce et la pauvreté d’esprit. Sur le plan littéraire, il a néanmoins construit tout seul cet outil de référence qu’est cet essai audacieux qu’il vient de produire.
Idéaliste, cet essai n’en est pas moins réaliste, en mettant en lumière les injustices, la violence, les mentalités entêtées et remplies de préjugés, et en déplorant l’insulte facile. Ainsi, il s’en prend avec humanité à la peur atavique de l’inégalité : « L’éducation doit humaniser ! » Ce regard bienveillant est une réelle bénédiction dans ce monde de fous plus ou moins furieux. De plus, l’éducation, c’est également la communication. La capacité de communiquer, d’écrire dans ce but, de s’objecter à la domination d’un pouvoir corrompu et soumis à un état d’esclavage hypocrite.
En effet, le système d’éducation étouffe, les élèves et les professeurs étouffent, tout cela tandis que de plus en plus de voix s’élèvent : non à la torture, non à l’esclavage, non à la répression, non au totalitarisme. Dans le monde entier, la conscience collective a eu des impacts tout de même importants. Ainsi, Solway met en lumière l’architecture de nos sociétés, notamment la société occidentale, et les malaises découlant des clivages et des débats où se pratique l’art de « couper les cheveux en quatre ». Ainsi, dit-il, « Nous aurions pu, comme peuples, comme écrivains, journalistes, poètes et professeurs, être fort différents de ce que nous sommes, si nous avions eu plus d’ardeur à défendre les injustices, si nous avions recherché la beauté et l’éloquence, au lieu de nous complaire dans la médiocrité ambiante, de bon aloi, d’un conformisme béat qui a peur de tout, surtout de lui-même. En somme, nous aurions pu être très différents si le libéralisme du XVIIII siècle avait gagné la partie. »
Aussi, Solway nous rappelle il n’est pas nécessaire de se livrer à la poésie active, c’est-à-dire écrite, pour goûter le bonheur et « la joie de l’expressivité heureuse et de l’impression profonde ». Un poème, c’est avant tout autre chose un véritable chant. D’où le fait que l’auteur nous invite à considérer l’enseignement non pas comme un exercice technique requérant mille gadgets technologiques, mais plutôt un véritable art oratoire, qui doit se vivre « a capella ».