The Métropolitain

Liban : Les défis du nouveau Président

By Alain-Michel Ayache on May 29, 2008

118 votes pour contre 9 abstentions. C’est le total de voix que le Commandant en chef de l’armée libanaise, le général Michel Suleiman eut pour devenir le douzième Président de la République libanaise depuis l’indépendance.

Cette élection pour la forme vient confirmer l’entente entre les différents belligérants libanais qui a eu lieu à Doha à Qatar sous les auspices de l’Émir de ce petit pays du Golfe. En soi, cette percée politico-diplomatique du Qatar est une première dans la région, puisqu’elle vient supplanter celles traditionnelles de l’Égypte, de l’Arabie Saoudite, mais également de la Syrie. En effet, en prenant à sa charge la réconciliation entre les différentes parties libanaises, Doha vient de présenter un visage neutre dans la région et une nouvelle ère pour la diplomatie arabe, loin des bras de fer interarabes habituels.

 

Une Charge lourde …

Quant au nouveau Président libanais, la charge est lourde et pleine de défis, notamment en ce qui a trait à la relation avec le Hezbollah et l’avenir de son armement. D’ailleurs, lors de son discours juste après son élection au Parlement, le Président Michel Sleiman n’a pas hésité à souligner l’importance du rôle de « la résistance » contre « l’ennemi israélien » et le succès de la « libération » du Liban que cette dernière « avait accompli » avec la bénédiction et l’appui de l’État libanais et de son armée. Sleiman a également noté l’importance de cet armement et la nécessité de le garder dirigé contre l’ennemi et non vers d’autres Libanais. Une allusion aux derniers événements meurtriers qui avaient fait plus de 80 morts et plus d’une centaine de blessés entre les pro-occidentaux et les prosyriens.

À cela et parmi une pléthore de messages de réconciliation et de demandes de dialogue continue entre tous les Libanais, Sleiman n’a pas hésité à lancer une fléchette contre Damas en parlant de la nécessité de l’établissement de relations diplomatiques entre la Syrie et le Liban. Une telle représentation mettra fin à la position syrienne depuis son indépendance, que le Liban était partie intégrante de la « Grande Syrie ». Elle permettra ainsi à Damas de reconnaître enfin la pleine souveraineté du « Pays des Cèdres ». Or, Damas ne semble pas encore chaude à cette idée, puisqu’à la différence du ministre iranien des affaires étrangères qui assistait à l’élection de Sleiman à l’hémicycle et qui avait applaudit avec enthousiasme cette phrase, le ministre syrien, lui, était resté bras croisé, le visage raide !

 

Diviser pour affaiblir !

Bien que cela ne constitue pas en soi un signe de division entre Damas et Téhéran autour de la politique régionale, il n’en demeure pas moins que de plus en plus de signes parviennent d’ici et d’ailleurs sur un début de différend quant à la stratégie régionale entre ces deux alliés anti-américain.

En effet, pour de nombreux analystes aussi bien arabes qu’occidentaux, l’assassinat du chef de guerre du Hezbollah à Damas, le terroriste le plus recherché par Washington, Imad Moghnié, aurait été perpétré par les services secrets d’un pays arabe – certains parlent de la Jordanie – avec la bénédiction de ceux de Damas. Cet assassinat aurait été un « cadeau de bonne foi » offert par Damas aux Israéliens mais surtout aux Américains pour briser la glace entre la Syrie et les États-Unis, mais également pour envoyer un signe à Tel-Aviv pour une reprise des négociations. À ces analyses, d’autres ajoutent que les dernières révélations sur les pourparlers secrets entre Damas et Tel-Aviv confirment la volonté des États-Unis de vouloir briser cette alliance syro-iranienne pour mieux isoler Téhéran. Le Hezbollah perdrait alors cette logistique iranienne qui lui parvenait via la Syrie. Ce qui permettrait ainsi son isolement et sa destruction dans un éventuel conflit à venir.

Le rôle régional du Hezbollah

Or, voilà que le lundi 26 mai, le Secrétaire Général du Hezbollah, Sayyed Hassan Nasrallah, monte aux barricades avec un discours des plus forts et des plus guerriers tant sur les plans politique, social que militaire. Cette flambée de paroles de défis survient le lendemain du huitième anniversaire du « succès » du Hezbollah dans la « libération » du Sud du Liban en mai 2000. Or, maîtrisant la rhétorique guerrière, Nasrallah n’hésite pas de rappeler les « sacrifices de la résistance » et son « succès face à l’ennemi sioniste », mais également sa détermination de continuer jusqu’au bout. Il précise par ailleurs, que ses troupes « sont prêtes à se battre dans n’importe quelle prochaine éventuelle guerre » faisant ainsi illusion à une attaque américaine ou israélienne contre l’Iran. Par ailleurs, Nasrallah précise nommément les situations aussi bien à Gaza qu’en Irak et fait appel aux uns et aux autres pour reprendre l’exemple de la résistance du Hezbollah afin d’éviter que Gaza « ne tombe dans les mains des Sionistes » et que l’Irak « ne soit pas livré aux Américains et à leurs plan de contrôle de ses ressources naturelles ». En fait, Nasrallah se positionne sur l’échiquier politique régional comme acteur incontournable et une variable à prendre en considération pour toute stratégie régionale. Par ailleurs, il précise le retour des prisonniers libanais en Israël dans un futur proche, comme si des tractations secrètes via l’Allemagne auraient abouti avec les Israéliens! Ce qui lui octroie aux yeux de la rue arabe en général et libanaise en particulier, une stature de leader qui respecte sa parole et soulève et réussit les défis.

 

Le défi majeur du Président

D’où la question principale qui se pose au nouveau Président libanais, celle de savoir s’il sera capable de mettre un terme aux armes du Hezbollah et s’il réussira à prendre le contrôle de la décision politique libanaise en ce qui a trait tant à la gestion interne du pays que celle de la guerre contre un quelconque « ennemi ». Or, d’ores et déjà. Nasrallah précise haut et fort que les armes du Hezbollah ne seront pas dirigées vers d’autres Libanais, mais que les armes de l’État libanais, donc de ses forces de sécurité intérieures et de l’armée ne doivent pas non plus être dirigées contre le Hezbollah ou de servir pour le combattre. Des paroles, qui laissent présager que le Hezbollah ne rendrait jamais ses armes. D’ailleurs, à analyser de plus près, l’on pourrait voir clairement la détermination du Hezbollah de mener sa « résistance » par delà la frontière libanaise en encourageant le Hamas et les Chiites de l’Irak à se battre contre les « occupant ». Et pour leur rappeler l’appui de la « résistance » à leur « combat », la machine de la propagande du Hezbollah n’hésite pas à afficher la date de mai 1948 et celle de mai 2008, comme pour dire que la « Nakba » (Catastrophe) palestinienne pouvait se transformer en victoire à l’instar de ce qui s’était passé au Liban en 2000 et 2006.