Danièle Geoffrion, Philosopher pour vivre au quotidien : du sens et des mots, Montréal, Les Éditions du CRAM, 2008.
Un exilé, c’est quelqu’un qui a des souvenirs différents. Et qui revient de loin . En littérature, il est facile de les reconnaître, ceux-là qui bâtissent sur l’expérience passée afin de recréer la vie présente, riche et sensible. Souvent, leur grande sagesse inspire un choix de vie, un changement de position, un peu comme le fait de changer de lunettes, ou de coiffer ses cheveux la raie sur l’autre côté.
La lecture du livre-bijou de Danièle Geoffrion « Philosopher pour vivre au quotidien », marque un passage, et rassemble, sur 162 pages, des aphorisme qui se situent toujours à la fine pointe de la sagesse. L’auteure ne revendique rien. Le monde est ainsi. Aucun pourquoi qui absorberait tous les autres. Nous retrouvons simplement l’essentiel, là, sous nos yeux. Le livre, disons-le, se lit agréablement, il respire, « souffle » en nous ‒ presque un lapsus, car j’allais dire « souffre », pour porter plus loin notre réflexion personnelle.
C’est que l’auteure a bien, comme nous tous, souffert, plus ou moins, et elle livre en transparence ses citations, sans caricature, sans effet tragique, sans méchanceté. On se laisse dévorer par cette compilation d’aphorismes et de pensées, si joliment présentées, non pas en vrac, mais par thèmes, chacun illustrant une sorte de virtuosité de l’ensemble. Cette lecture déploie un rythme, presque une musicalité, dans une série de tableaux d’où émerge presque toujours la lumière, par la mise en abîme des moments difficiles, soulevés par quelques notes graves, noires, et pourtant quelquefois humoristiques, mais sans jamais verser dans l’argot ou la plaisanterie, sans jamais verser dans le pathétique ou l’angélisme.
Ce recueil de pensées nous oblige à essayer de comprendre la vie, à en tirer des leçons raisonnables, à assumer le réel en acceptant d’entrer plus loin et plus profondément en nous-mêmes, à ressentir la singularité, et cela en acceptant de se faire chatouiller un peu, non pas tant d’un point de vue moralisateur, car c’est essentiellement d’une intention humaniste dont il s’agit, l’auteure évoquant sa longue suite d’aphorismes obligeant à réfléchir, à méditer et à aller plus profond en soi.
C’est qu’il y a eu le pire comme le meilleur, et ce qui en reste est là, entre nos mains. Ainsi, pour chasser un cafard, la neutralité de ces courtes phrases invite à la méditation, au lâcher-prise, de même qu’à la contemplation, pour une réelle recherche d’harmonie et d’équilibre dans nos vies. Aucun lyrisme ici, seulement la réalité, presque affligeante de banalité et pourtant crue, sans détour et sans jamais fleurer le snobisme intellectuel ou un univers terriblement fermé.
L’auteure, qui est philosophe de formation, ne traite pas avec des personnages. Aucune interdépendance donc entre la vie et l’imaginaire, et on comprend vite qu’elle ne vit pas que pour écrire ou pour se regarder écrire. Son monde n’est pas littéraire, littéralement, et cela fait drôle d’écrire cela, mais le fait est : ce sont des aphorismes, des morceaux de vie réelle, des flux et reflux, des passions. Ce petit recueil est un livre de « table à café », un livre qu’il fait bon ouvrir, à toutes heures, pour la lumière qu’il dévoile, avec ses vérités personnelles et ses secrets. Un livre à aimer comme une sœur, qui demande que nous le saisissions dans l’acte d’exister et d’agir. Un livre qui est un grouillement de vie, d’incidents, de réflexions, de désirs, et de gestes manqués. C’est écrit au « Je », comme un narrateur qui cherche à comprendre, qui raconte comme on parle à ses amis. Comment ne pas se sentir concerné ?