Depuis plusieurs semaines, les médias nous parlent de la vague d’apostasie suscitée par un sentiment généralisé de dégoût face à l'opposition réactionnaire de l'Église catholique à l'avortement et à l'utilisation du condom. Dans sa chronique du dernier numéro du Métropolitain, intitulée « Les apostats de la dernière pluie », Pierre Malouf ne saisit pas la pertinence de ce phénomène, et va même jusqu'à contester la réalité des dommages causés par l'interdiction catholique du condom.
« Si on apostasie le 1er avril, c’est qu’on était encore catholique le 31 mars... », écrit Malouf. En effet : pourquoi apostasier en 2009 quand on aurait dû le faire en 1970, en 1760 ou même en 400 ? La réponse est évidente : mieux vaut tard que jamais. Tout acte public d'apostasie est utile car il s'agit de dénoncer les abus commis par les églises (non seulement la catholique), d'encourager d’autres gens à se retirer de ces institutions obscurantistes et, éventuellement, de réduire leur influence en réduisant le nombre d'adhérents. Moins ceux-ci seront nombreux, moins l'Église sera influente.
Car l'Église catholique joue allègrement le jeu des chiffres. Ainsi, elle se targue volontiers d’avoir X millions d'adhérents en tel pays ou tel continent, quoique en réalité la plupart sont ainsi classés parce que baptisés de force bien avant d’avoir l’âge de raison. Nous devons refuser d’entrer dans ce genre de manipulation statistique et ne reconnaître que les membres qui, à l'âge adulte, auraient décidé d'adhérer librement ou de renouveler leur adhésion à une quelconque religion. Ainsi, le nombre d'adhérents chuterait sensiblement.
En attendant que l'Église nous fournisse des statistiques honnêtes – ce pour quoi nous risquons d'attendre fort longtemps – il y a l'apostasie. Plus il y aura d'apostats visibles, moins les chiffres gonflés seront crédibles. La religion se propage principalement par l'endoctrinement des enfants. Il est courant chez les croyants baptisés à la petite enfance d'accepter de se définir comme catholiques à vie, acquiesçant ainsi au jeu trompeur de l'Église. En apostasiant, le baptisé brise explicitement ce lien factice et il se responsabilise.
Il ne faut pas sous-estimer – comme le fait Malouf – l'influence morale (ou plutôt immorale) du pape, surtout en Afrique et en Amérique latine, où ce chef de faux État a récemment été accueilli en vedette. La prestigieuse revue médicale britannique The Lancet accuse le pape de fausser les faits scientifiques afin d’imposer la doctrine catholique. La condamnation par Benoît XVI de l’usage du condom entraîne un effet synergique dans un contexte où plusieurs autres religions s'opposent elles aussi au condom comme moyen de lutte au Sida. Les opposants au condom se défendent en citant des statistiques qui suggéreraient que le condom seul, quoique efficace au niveau de l'individu, s'avérerait moins efficace à plus grande échelle comme mesure de santé publique. Mais cela ne justifie aucunement l'abandon du condom. C'est comme si, en constatant que la ceinture de sécurité à elle seule n'est pas une garantie absolue de sécurité routière, on décidait d'enlever les ceintures des automobiles existantes et de ne plus en installer dans les neuves.
Il faut se rappeler que l'opposition du Vatican au condom se base sur la doctrine telle qu'exprimée dans l'encyclique Humanae Vitae (1968), qui interdit tout obstacle à la procréation. Présentement, il est techniquement impossible de fabriquer un condom-catho, qui laisserait passer le spermatozoïde mais pas le virus. Le pape attend peut-être un « download » du Saint Esprit à ce sujet. En attendant, l'Église sacrifie la santé, voire la vie des gens à l'autel de la natalité à tout crin. L'interdiction de la contraception est d’ailleurs indissociable de l'interdiction de l'avortement. Il s'agit, en fait, de contrôle clérical de la reproduction. Or, une étude importante, publiée en octobre 2007 dans The Lancet (Sedgh et al.) sur l'incidence des interruptions volontaires de grossesse (IVG) à travers le monde, révèle que la santé maternelle est grandement améliorée dans les pays où la contraception et l’avortement sont légalement disponibles. D'ailleurs, la décriminalisation de l’avortement en réduit le nombre à long terme. De plus, il y a une forte corrélation positive entre la ferveur religieuse et le taux d'avortement. Rappelons aussi qu'une excellente façon de lutter contre la pauvreté est de laisser aux femmes le contrôle de leur propre fertilité.
En matière de prévention des MTS, de contraception, de droit à l'avortement, de lutte au Sida, sans compter le surpeuplement de la planète et l'opposition de l'Église aux droits des homosexuels, il y aurait bien assez pour que Benny XVI et sa gang soient traînés devant la Cour internationale de Justice et accusés de crimes contre l'humanité. Bien sûr, je rêve peut-être en couleur. Mais une amende d’un trillion d'euros, versés à des programmes de santé publique, n'est-ce pas un beau rêve ? Serait-il possible d'assembler des preuves suffisamment rigoureuses pour qu’elles puissent tenir devant les tribunaux ? Cela n'arrivera probablement jamais. Mais, selon l'excellente suggestion d'un ami, cela ferait un sacré bon sujet pour une pièce de théâtre ! Alors, dramaturges, à vos plumes… ou claviers !
Quant aux apostats récents, ils viennent de poser un petit geste qui, en plus d’exprimer concrètement leur attachement à la liberté de conscience, s’avère fort bénéfique non seulement pour eux-mêmes, mais aussi pour notre humanité qui, en posant un geste après l’autre, s’efforce encore de se libérer du poids mortifère de la superstition religieuse.
Pour plus d’information sur l’apostasie : www.mlq.qc.ca/sexprimer/apostasie
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