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L’insensé a dit en son coeur… - The Métropolitain

L’insensé a dit en son coeur…

By René Girard on April 9, 2009

La campagne publicitaire récemment affichée sur une dizaine d’autobus montréalais à l’initiative de l’Association humaniste du Québec (AHQ), a suscité réactions et débats.  Chacun y est allé de son interprétation de la fameuse phrase traduite d’une publicité originellement anglophone : « Dieu n’existe probablement pas.  Alors cessez de vous inquiéter et profitez de la vie. »  Ont pu notamment s’exprimer les voix légitimes des athées, agnostiques, libres-penseurs et sans dieu, lesquelles sont trop rarement entendues dans notre société pourtant censée être laïque. 

Photo_Michel_Virard_www.assohum.org.jpgDisons-le tout de go : le thème de la campagne publicitaire de l’AHQ est essentiellement une affirmation positive d’athéisme.  Au premier chef, cette affirmation n’attaque personne, contrairement à cette réaction qui a souvent été énoncée contre la campagne et qui reprenait un extrait d’un psaume biblique : « L’insensé a dit en son cœur : il n’y a point de Dieu. »  Une pareille insulte faite aux incrédules constitue bel et bien une attaque directe à la liberté de penser.  Aussi, malgré les hauts cris des dévots et bien-pensants de toute sorte, « Profitez de la vie » n’est pas une invitation à sombrer dans des comportements malsains ou immoraux comme certains croyants l’ont laissé entendre.  On peut très bien ne pas croire en un dieu et profiter de la vie tout en étant une bonne personne.  

À Halifax cependant, la compagnie de transport public Metro Transit a refusé d’apposer sur ses autobus la publicité « You Can Be Good Without God » (« Vous pouvez être une bonne personne et ne pas croire en Dieu »), et cela sous prétexte que ce serait offensant pour les croyants.   Pourtant, l’affirmation que je citais plus haut, supposément divine parce que tirée d’un psaume biblique, « L’insensé a dit en son cœur : Dieu n’existe pas », n’est-elle pas elle une offense directe perpétrée contre les incroyants ?

Le 28 février dernier sur les ondes de la Première chaîne de Radio-Canada, l’émission « Ouvert le samedi » recevait Raymond Gravel, prêtre médiatique parce que médiatisé, connu pour se situer à gauche tout en faisant des déclarations gauches en faveur d’une Église campée à droite et pas toujours adroite, et Michel Virard, président de l’AHQ, laquelle est suspectée par Gravel, représentant des croyants, de vouloir mener une campagne contre ces derniers.  

À une auditrice de 70 ans qui racontait qu’elle était incrédule depuis l’âge de 11 ans parce que, disait-elle, les prêtres ne parvenaient jamais à répondre de façon convaincante aux questions concernant la foi, et que sa longue expérience de vie lui avait appris que l’humanité se porterait mieux sans croyance religieuse, l’abbé Gravel s’empressa de répondre : « S’il n’y avait plus de croyances, il faudrait en inventer, madame ! »

Le cher curé Gravel n’aurait pu mieux dire : la foi serait donc une invention toute humaine, rien qu’humaine.  Par conséquent, ceux qui, comme lui, prétendent que la divinité se serait révélée aux être humains par les « Saintes » Écritures, ne nous disent-ils pas que celles-ci sont, elles aussi, une invention toute humaine, rien qu’humaine ?

Pour ma part, je relierais les deux slogans publicitaires des incrédules en un seul : « On peut profiter pleinement de la vie et être une bonne personne, et cela sans croire en Dieu. »  D’ailleurs, on profitera de la vie et on en prendra soin d’autant plus que l’on comprendra qu’il n’y en a pas d’autre après celle-ci.  Alors on trouvera belle la vie, et on appréciera davantage le concert de merveilles bien réelles que nous offre la nature tel qu’elle est, dans toute sa richesse et son infinie grandeur.  Surtout, on arrêtera d’avoir peur des châtiments éternels brandis par les tenants d’une divinité cruelle dont les dévots tentent en même temps de nous faire croire à la bonté, et on se libérera ainsi du poids de cette invention mythique qui fait plus de tort que de bien dans la conscience des êtres humains. 

En un mot, il faut davantage craindre celui qui proclame : « L’insensé a dit en son cœur : Dieu n’existe pas. »  Car, au vu et au su des fables qui servent de fondements aux religions, les chances sont très fortes que ce soit lui, l’insensé.

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